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Poèmes d'hier ou d'aujourd'hui


 
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Coco
Voyageur

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MessagePosté le: Sam 20 Déc, 2008 15:40 PM    Sujet du message:

Poèmes d'hier ou d'aujourd'hui

Répondre en citant

Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais j'aime beaucoup la poésie, parfois pour la musicalité des vers, parfois pour les idées véhiculées, ou pour les deux raisons... si on pouvait échanger des poèmes par ici ce serait bien

Je commence avec un petit texte de Jean Tardieu que j'aime à me réciter les jours de pluie...:

Etude de voix d'enfant

Les maison y sont là
les deux pieds sous la porte
tu les vois les maisons?

Les pavé y sont là
les souliers de la pluie
y sont noirs mais y brillent.

Tout le monde il est là
le marchand le passant
le parent le zenfant
le méchant le zagent.

Les auto fait vou-hou
le métro fait rraou
et le nuage, y passe
et le soleil, y dort.

Tout le monde il est là
comme les autres jours
mais c'est un autre jour
c'est une autre lumière :

aujourd'hui c'est hier.
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Coco
Voyageur

Age: 69

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MessagePosté le: Dim 21 Déc, 2008 08:44 AM    Sujet du message:

Répondre en citant

Un texte en prose, que j'ai découvert vers 17/18ans dans mon anthologie de la poésie française (Pierre Seghers), de Renée Rivet Borac je n'ai que deux textes, celui-çi et un autre que je vous offrirai une autre fois, sur la folie. Celui-çi ne fait un peu penser à la chanson de Brel Les Vieux et d'ailleurs son titre est le même :

Les Vieux

Le vieux est assis dans la cuisine. Ses yeux ont la même couleur que le vieux fauteuil.
Sa main posée sur la table est une étrangère, un gros nœud tout seul.
Le vieux creuse une idée.

Le feu et le chien se regardent.

La vieille éveille mille souris – mille besognes surgissent dans tous les coins.

Le balancier de l’horloge va de l’un à l’autre…
D’année en année, l’ombre des arbres a envahi la pièce. Et maintenant il y fait mi-jour même en plein été.

La vieille monte vite vite l’étroit escalier. Où en est la provision de soleil ?
La fenêtre du grenier est si petite, si bas contre le sol, juste pour une tête d’enfant.
Le lit craque de lavande sèche.
Des enfants ont laissé leur ombre, des enfants font encore la ronde dans les murs.

La vieille redescend précipitamment, elle a dérobé une pomme, elle l’enfouit au fond de sa longue poche, comme si quelqu’un allait lui faire des reproches…

Le vieux n’a pas bougé, il tourne un peu la tête, puis lentement il reprend le cours de son idée. Ses joues sont un peu plus creuses que tout à l’heure.
Un calendrier suspendu par un ruban bleu très pâle fait une tache insolite sur le mur.
Des visages montent de la profondeur de la pierre.

La vieille fait briller ses bougeoirs, et ses doigts s’allongent s’allongent dans l’univers métallique. Elle a donné toutes les étincelles de ses yeux à son vieux cuivre… Elle y a enfermé toute l’eau du printemps, tout le soleil des feuilles…
Le vieux reprend sa main posée sur la table, comme un fardeau il la met sur son genou. Sa tête penche, elle non plus il ne sait trop où la mettre.

Le chien s’aplatit contre le sol.
Le feu est bas, une petite frange de coquelicots surgit timidement de la souche de bois.
Dans l’œil du chien subsiste une petite, toute petite lueur.
Il essaye de maintenir la vie, mais la vie s’échappe et le vieux a perdu son idée.

La vieille est raide sur sa chaise, solennelle pour personne.
Soudain elle n’a plus rien à faire. Elle trouve que l’éternité met du temps à venir…

Le balancier va toujours doucement, de l’un à l’autre. Depuis longtemps, ils ne se parlent pas autrement.
et Brel en écho La pendule au salon qui dit Oui qui dit Non
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Falmer
Maître des Âges

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MessagePosté le: Mar 23 Déc, 2008 14:59 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

Une bonne idée Coco.
Je vais récupérer quelques livres et je mettrai quelques poèmes de mon goût.
(ni)
_________________
Je voulais simplement parler la belle langue de mon siècle.

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Coco
Voyageur

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MessagePosté le: Mar 23 Déc, 2008 16:44 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

Je me réjouis d'avance de te lire dans ce sujet Falmer, parions que tu nous feras découvrir plein d'inconnus fabuleux.

Allez, un petit cadeau de Noël pour vous tous :

Le don du sourire

Il ne coûte rien
Et produit beaucoup
Il enrichit celui qui le reçoit
Sans appauvrir
Celui qui le donne

Il ne dure qu’un instant
Mais son souvenir
Est parfois immortel

Un sourire, c’est
Du repos pour l’être fatigué
Du courage pour l’âme abattue,
De la consolation pour
Le cœur endeuillé

Il ne peut s’acheter
Ni se prêter, ni se voler
Car il n’a de valeur qu’à partir
Du moment où il se donne

Si l’on refuse
Le sourire que vous méritez
Soyez généreux, donnez le vôtre

Nul, en effet, n’a autant besoin
D’un sourire que celui qui ne sait pas
En donner aux autres.


Gandhi
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Falmer
Maître des Âges

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MessagePosté le: Dim 04 Jan, 2009 17:41 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

Non Coco, ce ne sera pas un inconnu... mais ça viendra...
Jean Cocteau fût, selon son expression, un touche à tout. Ces deux poèmes obéissent au même principe : ce qui est écrit raconte autre chose que ce que l’on lit. J’aime beaucoup la virtuosité mise en œuvre.

Blason-oracle

G touchant G sans en avoir l'R. Selle est faix de mon âne archi-tranquille.
Jean chante. Aïssé tous. Mon chant sera la bourrée jusqu'à la faim.
Ile faux drap (et dé à dé) mollir les murs mûrs en six lances pour que la grande heure nouvelle
sape roche sans fers de bruit sur lèche-mains.
Le mot ment Eve nue ! Le rêve eunuque jatte en dais ! Leur Eve nue, houle sublime, doigts, hêtre des nids aisés.

L'Hôtel

La mer veille. Le coq dort.
La rue meurt de la mer. Île faite en corps noirs.
Fenêtres sur la rue meurent de jalousies.
La chambre avec balcon sans volets sur la mer
Voit les fenêtres sur la mer,
Voile et feux naître sur la mer.
Le balcon donne sur la mer.
La chambre avec balcon s'envolait sur la mer.
Dans la rue les rats de boue meurent
(le 14 que j'eus y est)
Sur la mer les rameurs debout.
La fenêtre devant hait celles des rues ;
Sel de vent, aisselles des rues,
Aux bals du quatorze juillet.
_________________
Je voulais simplement parler la belle langue de mon siècle.

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Gbadji
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MessagePosté le: Dim 04 Jan, 2009 20:19 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

Pas facile à lire, mais une belle danse de mots que tu nous as servi là mon cher Falmer. Merci.

Merci à toi aussi Coco pour ce fil et ces textes.

A bientôt.
_________________
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.Yim shehm gorvehn tomeht pahm t'regahlpo
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zoorin
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MessagePosté le: Lun 05 Jan, 2009 10:17 AM    Sujet du message:

Répondre en citant

Très agréable, et très varié. Merci, Coco et Falmer. :)
_________________
Je veux qu'ils modélisent Riven, avec la bande son originale !

(livre)
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Coco
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MessagePosté le: Lun 05 Jan, 2009 16:24 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

J'aime beaucoup beaucoup les deux textes de Cocteau, je ne connaissais pas du tout cette facette de lui (je connais mieux ses films, ses romans et pièces et ses dessins)

C'est drôle j'ai commencé par tenter de lire "normalement" (sauf les G et l'R) et puis finalement j'ai d'abord privilégié la phonétique et les sons et j'ai du relire pour percevoir le premier sens (celui qui est écrit)

Merci Falmer pour cette découverte.
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Coco
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MessagePosté le: Lun 05 Jan, 2009 16:35 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

Toutes les chansons sont d'abord des poèmes, j'aime spécialement celle-là

Cré-moé, cré-moé pas,
Quelque part en Alaska
Y'a un phoque qui s'ennuie en maudit
Sa blonde est partie
Gagner sa vie
Dans un cirque aux Etats-Unis

Quand le phoque est tout seul
Y r'garde le soleil
Qui descend doucement sur le glacier
Y pense aux Etats en pleurant tout bas
C'est comme ça quand ta blond t'a lâchée

Ça vaut pas la peine de laisser ceux qu'on aime
Pour aller faire tourner des ballons sur son nez
Ça faire rire les enfants, ça dure jamais longtemps
Ça fait plus rire personne quand les enfants sont grands

Quand le phoque s'ennuie,
Y r'garde son poil qui brille
Comme les rues d'New York après la pluie
Il rêve a Chicago
Puis à Marilyn Monroe
Il voudrait voir sa blonde faire son show

C'est rien qu'une histoire
On peut pas m'en faire accroire
Mais des fois j'ai l'impression que c'est moé
Qu'y est assis sur la glace
Les deux mains dans la face
Mon amour est partie pis j'm'ennuie.

Ça vaut pas la peine de laisser ceux qu'on aime
Pour aller faire tourner des ballons sur son nez
Ça faire rire les enfants, ça dure jamais longtemps
Ça fait plus rire personne quand les enfants sont grands

Ça vaut pas la peine de laisser ceux qu'on aime
Pour aller faire tourner des ballons sur son nez
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Falmer
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MessagePosté le: Jeu 08 Jan, 2009 14:10 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

Maintenant deux textes d'un ami, Abdellah Aatif, extraits de ses recueils "Fragments" et "Le festin des ogres".

19h05 dans le train, 20 mars

Le silence de ma tête fait frémir ma quiétude
Le temps et sa mesure m’annoncent des jours rudes
Ma tristesse chronique fait vieillir mes printemps
Troublés et chimériques,
Mes rêves n’ont plus vingt ans.

L’arrogance conductrice échappe à mes désirs
Je courbe mon échine et m’offre au repentir
Je lègue ma jeunesse à de vagues printemps

Une jeunesse neuve a surgi du néant.


Un bout de Rimbaud

J’allais vagabondant
Le long de mon destin
Une fleur entre les dents
Repu de tous les festins
Méprisant les dangers
Occultant toutes haines
Bien que l’humanité
Me faisait tant de peine
J’avais dans le passé
Aperçu des chimères
Croyant dans mes pensées
Déchirer l’univers
Déçu et affligé
Par tant de laideur
J’ai voulu protéger
Ma tête de rêveur
J’empoignai mon barda
Comme une pomme volée
Pour jalonner la ville
De ce pas dépité
Je restais dans l’errance
Le mépris de moi même
J’observais l’abondance
Chérissant ma bohème
Nul de ce qui s’offrait
Ne changea ma vision
Même l’or de sa clarté
Et toutes ces illusions
Des mois devinrent des années
Aux lueurs de l’aube,
Fourbu je m’endormais
Laissant le jour vêtir sa robe
Soudain, un jour sans le savoir
Dans un réveil dérisoire
L’idée me vint de tout cesser
De regagner le pas cadencé
Comme envoûté, je me levai
Pour prendre le chemin
Du monde bien rangé
Et aller au chagrin
_________________
Je voulais simplement parler la belle langue de mon siècle.

KI: 137557



Dernière édition par Falmer le Jeu 08 Jan, 2009 18:55 PM; édité 1 fois
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Coco
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MessagePosté le: Jeu 08 Jan, 2009 15:42 PM    Sujet du message:

Répondre en citant

J'aime beaucoup Un bout de Rimbaud, autant le thème que le rythme, ça me fait vraiment penser au Bateau Ivre, ce sont les sons ...., le rythme vient aussi - je crois - du fait que si on met deux vers ensemble ça fait quasi tout le temps des alexandrins
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Coco
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MessagePosté le: Ven 09 Jan, 2009 13:16 PM    Sujet du message:

Bateau Ivre

Répondre en citant

Lisez le à haute voix, c'est superbe

Bateau Ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées
Moi l'autre hiver plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelque fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur,

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Rimbaud
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Coco
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MessagePosté le: Ven 09 Jan, 2009 16:01 PM    Sujet du message:

Les Djinns

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Celui-çi est un de mes favoris, à lire aussi à haute voix... il donne le rythme d'un troupeau de chevaux (ou des djinns) qui s'approche puis s'éloigne

Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise
Tout dort.

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit.

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

La rumeur approche,
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit,
Comme un bruit de foule
Qui tonne et qui roule
Et tantôt s'écroule
Et tantôt grandit.

Dieu! La voix sépulcrale
Des Djinns!... - Quel bruit ils font!
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond!
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe..
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

C'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant.
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près! - Tenons fermée
Cette salle ou nous les narguons
Quel bruit dehors! Hideuse armée
De vampires et de dragons!
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée,
Tremble, à déraciner ses gonds.

Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure!
L'horrible essaim, poussé par l'aquillon,
Sans doute, o ciel! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon!

Prophète! Si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs!
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs!

Ils sont passés! - Leur cohorte
S'envole et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés!

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît.
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes
Nous viennent encor.
Ainsi, des Arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leur pas;
Leur essaim gronde;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord;
C'est la plainte
Presque éteinte
D'une sainte
Pour un mort.

On doute
La nuit...
J'écoute: -
Tout fuit,
Tout passe;
L'espace
Efface
Le bruit.

Victor Hugo
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sonic2
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MessagePosté le: Ven 09 Jan, 2009 17:13 PM    Sujet du message:

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Abd Al Malik

http://www.deezer.com/track/2325999

Je m'souviens , maman qui nous a élevés toute seule, nous réveillait pour l’école quand on était gamins, elle écoutait la radio en beurrant notre pain, et puis après elle allait au travail dans le froid, la nuit, ça c’est du lourd.
Ou le père de Majid qui a travaillé toutes ces années de ses mains, dehors, qu’il neige, qu’il vente, qu’il fasse soleil, sans jamais se plaindre, ça c’est du lourd.
Et puis t'as tous ces gens qui sont venus en France parce qu’ils avaient un rêve et même si leur quotidien après il a plus ressemblé à un cauchemar, ils ont toujours su rester dignes , ils n'ont jamais basculé dans le ressentiment, ça c’est du lourd , c’est violent.
Et puis t'as tous les autres qui se lèvent comme ça, tard dans la journée, qui se grattent les bourses, je parle des deux, celles qui font référence aux thunes, du genre "la fin justifie les moyens" et celles qui font référence aux filles, celles avec lesquelles ils essaient de voir si y’a moyen, ça c’est pas du lourd .
Les mecs qui jouent les choses zerma devant les blocs deal, un peu de coke, de temps en temps un peu de ke-cra (crack) et disent « je connais la vie moi monsieur ! », alors qu’ils connaissent rien, ça c’est pas du lourd.
Moi je pense à celui qui se bat pour faire le bien, qu'a mis sa meuf enceinte, qui lui dit j’t’aime, je vais assumer, c’est rien, c’est bien, qui va taffer des fois même pour un salaire de misère, mais le loyer qu’il va payer, la bouffe qu’il va ramener à la baraque, frère, ça sera avec de l’argent honnête, avec de l’argent propre, ça c’est du lourd.
Je pense aussi à ces filles qu’on a regardé de travers parce qu’elles venaient de cités, qu'ont montré à coup de ténacité, de force, d’intelligence, d’indépendance, qu’elles pouvaient faire quelque chose de leur vie, qu’elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient de leur vie, ça c’est du lourd.
Mais t’as le bourgeois aussi, genre emprunté, mais attention je n'généralise pas, je dis pas que tous les bourgeois sont condescendants, paternalistes ou totalement imbus de leur personne, je veux juste dire qu’il y a des gens qui comprennent pas, qui croient qu’être français c’est une religion, une couleur de peau, ou l'épaisseur d’un portefeuille en croco, ça c’est bête , c'est pas du lourd , c’est...
La France elle est belle, tu le sais en vrai, la France on l’aime, y’a qu’à voir quand on retourne au bled, la France elle est belle, regarde tous ces beaux visages qui s’entremêlent.
Et quand t’insultes ce pays, quand t’insultes ton pays, en fait tu t’insultes toi-même, il faut qu’on se lève, faut qu’on se batte dans l’ensemble, rien à faire de ces mecs qui disent "vous jouez un rôle ou vous rêvez", ces haineux qui disent "vous allez vous réveiller", parce que si on est arrivé, si on est arrivé à faire front avec nos différences, sous une seule bannière, comme un seul peuple, comme un seul homme, ils diront quoi tous ?
C’est du lourd, du lourd, un truc de malade…..
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Coco
Voyageur

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MessagePosté le: Ven 09 Jan, 2009 17:48 PM    Sujet du message:

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Merci Sonic2, ça fait du bien de lire ces paroles, c'est du lourd quand c'est dit et aussi quand c'est lu...
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